Ce qui se cache derrière le regard des bébés

13.03.2022

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Ce qui se cache derrière le regard des bébés

BIOLOGIE
•    Les humains donnent un sens au monde en organisant les objets en catégories, mais à quel âge un bébé interprète-t-il le monde comme les adultes ?
•    Des scientifiques français révèlent que dès quatre mois un enfant est capable d’organiser des objets en catégories.
•    Ainsi, les humains naissent prédisposés à représenter certaines catégories d’objets pour raisonner sur le monde qui les entoure, dès le plus jeune âge.

Les humains donnent un sens au monde en organisant les objets en catégories. Quand et comment ce processus commence-t-il ? En étudiant le regard d’une centaine de nourrissons, des scientifiques de l’Institut des sciences cognitives Marc Jeannerod (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) montrent que les bébés commencent à organiser les objets en animés/inanimés dès quatre mois. Selon ces résultats, publiés le 15 février 2022 dans PNAS, il est possible de mesurer le changement au sein de l’organisation cérébrale qui permet de passer de la simple vision du monde à sa compréhension.

Ce que cache le regard des bébés a toujours été un grand mystère. Que voient-ils réellement ? Quelles informations en tirent-ils ? On pourrait penser que leur regard se porte sur les objets les plus saillants, les plus gros ou les plus colorés par exemple. Mais quand commencent-ils à voir et à interpréter le monde comme les adultes ?

Pour répondre à cette question, des scientifiques de l’Institut des sciences cognitives Marc Jeannerod (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) ont travaillé avec une centaine d’enfants âgés de quatre à dix-neuf mois. Ils ont enregistré leurs mouvements oculaires et leurs temps de regards tandis que ceux-ci observaient des paires d’images appartenant à huit catégories d’objets animés ou inanimés (par exemple des visages humains, des objets naturels ou artificiels). Les scientifiques ont ensuite couplé ces analyses avec des mesures de l’activité cérébrale chez un groupe d’adultes, afin de déterminer comment les différentes catégories d’objets étaient organisées dans le cortex visuel humain.

Ils ont ainsi identifié la transition entre l’exploration visuelle guidée par la saillance des objets et leur organisation par catégories : c’est à partir de quatre mois qu’un enfant est capable de distinguer un objet animé d’un objet inanimé, par exemple. L’enfant peut notamment reconnaître qu’en tant qu’animaux, un humain et un crocodile se ressemblent plus entre eux qu’à un arbre. Cette capacité est d’autant plus étonnante quand on pense qu’à cet âge, il ne sait pas ce qu’est un arbre ou un crocodile.

Entre dix et dix-neuf mois, de nouvelles catégories d’objets plus définies émergent et l’organisation cérébrale se rapproche de celle des adultes. Ainsi, pour les enfants de ce groupe d’âge, un objet mou et poilu avec un visage est immédiatement reconnu comme un être vivant, un animal.

Ces travaux1 montrent ainsi que les humains naissent avec une organisation cérébrale prédisposée à représenter certaines catégories d’objets, les plus importantes pour leur survie. Les actes de catégorisations permettent alors d’aller au-delà de ce que l’on voit et de faire des suppositions, des analogies et des prédictions (si « l’objet mou et poilu » est un chat par exemple, alors il faut le nourrir), et donc de raisonner sur le monde qui nous entoure et ce dès le plus jeune âge.

 

Bibliographie

Visual object categorization in infancy. Céline Spriet, Etienne Abassi, Jean-Rémy Hochmann, Liuba Papeo. PNAS, le 15 février 2022. https://doi.org/10.1073/pnas.2105866119