La Myopie Évolutive chez l’Enfant :  Facteurs de risque, complications potentielles et méthodes de traitement

30.07.2023

La Myopie Évolutive chez l’Enfant :

Facteurs de risque, complications potentielles et méthodes de traitement

                                                                                                                                                           Par Hélène Panis

                  Orthoptiste et étudiante du Master en Optométrie Clinique et Thérapie Visuelle

Résumé

 

La myopie évolutive est un défaut courant chez les enfants et les adolescents. Elle est caractérisée par une vision floue à distance et une incapacité à voir clairement les objets éloignés. C’est une affection qui peut progresser au fil du temps et augmenter le risque de développer des problèmes de santé oculaire à l’âge adulte, tels que le décollement de la rétine, le glaucome et la cataracte.

 

Dans cette revue bibliographique, nous allons explorer les différentes causes de la myopie évolutive chez les enfants et les adolescents, ses facteurs de risques, ses complications potentielles et les méthodes de traitement.

 

Mots clés : Myopie, enfant, évolutive, pandémie, OMS, biométrie

 

Abréviations : δ (dioptrie), OMS ou WHO (Organisation Mondiale de la Sante ou World Health Organization), VP (vision de près), VL (vision de loin), mm (millimètre), ∆ (valeur moyenne), % (pourcentage)

 

Introduction

La myopie est un problème de santé publique. Les chiffres sont inquiétants, d’après le Brien Holden Vision Institut (2016), 52% de la population mondiale sera myope d’ici 2050.

 

La myopie est reconnue depuis 2016 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme un problème de santé publique. La prévalence de la myopie a presque doublé dans les vingt dernières années dans les sociétés orientales et occidentales. La prévalence parmi les jeunes adultes est supérieure à 80% dans de nombreuses régions asiatiques, et supérieure à 50% aux Etats-Unis et dans certaines régions d’Europe.

 

Épidémie en France

Selon les estimations de la Haute Autorité de Santé fondées sur une étude épidémiologique de référence sur la progression de la myopie, en 2022, 510 000 enfants entre 6 et 15 ans présentent une myopie évolutive, c’est-à-dire une progression myopique supérieure à 0,50δ par an. La prévalence est de 23,7% pour ces enfants entre 6 et 15 ans. Les filles sont plus touchées que les garçons (26,7% contre 20,9%).

 

Physiologie oculaire

À la naissance, le système visuel est immature. S’il n’est pas stimulé, il ne se développe pas. Les études de Clergeau (2007a) ont établi que l’acuité visuelle du nouveau-né est environ de 1/20ème.

Fledelius et Christensen (1996) donnent des valeurs normales de 17,02 millimètres à la naissance, 20,19 mm à 1 an, 21,31 mm à 2 ans, 22,07 mm à 3 ans, avec un maximum de 23 mm à 10 ans.

 

Larsen (1971) grâce à ses études 1, II, III et IV retrouve des données similaires avec des longueurs axiales qui sont de 16,78 mm à la naissance, de 18,21 mm à 6 mois, de 20,61 mm à 1 an, de 20,79 mm à 2 ans, de 21,27 mm à 3 ans, de 21,85 mm à 5 ans, de 22,50 mm à 10 ans, de 23,15 mm à 13 ans, ce qui coïncide avec le terme de la croissance de l’œil.

 

Nous retenons les valeurs suivantes : 17 mm à la naissance, 18,5 mm à 6 mois, 20 mm à 1 an, 21 mm à 2 ans, 21,5 mm à 3 ans, 22 mm à 5 ans, 22,5 mm à 10 ans, 23 mm à 13 ans.

 

La majorité du développement du globe oculaire se fait durant les 3 premières années de vie, ensuite l’évolution est de 0,05mm à 0,1 mm par an.

Cette croissance rapide du globe est principalement due à la croissance de la sclère et du vitré, la surface de la cornée variant proportionnellement peu entre la naissance et 2 ans.

 

 

 1. Phénomène d’emmétropisation

 

Il s’agit du phénomène qui conduit l’œil au statut d’emmétrope.

L’emmétropisation est le résultat d’un processus à la fois passif et actif :

 

  • – Le processus passif: Cette croissance du globe entraîne une réduction du système dioptrique de l’œil proportionnelle à l’augmentation de la longueur axiale. Le pouvoir dioptrique de la cornée est diminué par augmentation de son rayon de courbure. La puissance du cristallin est diminuée pour la même raison et son action amoindrie par une augmentation de la profondeur de la chambre antérieure. Lorsque ces changements ne sont pas proportionnels, une amétropie en résulte.
  • – Le processus d’emmétropisation actif implique une information de feedback de la rétine concernant la qualité de focalisation de l’image avec adaptation conséquente de la longueur axiale. Il peut être considéré comme un ajustement fin complétant le processus passif.

L’emmétropisation active se déroule pendant la tendre enfance, mais l’œil reste malléable aux conditions environnementales jusqu’à l’âge de jeune adulte.

 

L’hérédité conditionne l’emmétropisation passive en déterminant la tendance du globe à atteindre certaines proportions, et l’environnement semble jouer un rôle en influençant l’action des mécanismes d’emmétropisation active.

 

 

2. Principe de la défocalisation hypermétropique

 

A – Chez l’emmétrope : 

En rétine centrale, les rayons lumineux convergent et se focalisent parfaitement sur la macula, permettant la vision nette au loin. En rétine périphérique, les rayons lumineux convergent et se focalisent en arrière de la rétine, entraînant un flou en rétine périphérique. C’est la défocalisation hypermétropique.

 

B – Chez le myope portant des verres unifocaux : 

En rétine centrale, les rayons lumineux convergent et se focalisent maintenant parfaitement sur la macula, permettant la vision nette au loin. En rétine périphérique, la correction unifocale ne corrige pas la défocalisation hypermétropique qui existe toujours en rétine périphérique. Cette défocalisation hypermétropique est un stimulus à l’augmentation de la longueur axiale de l’œil, et donc à l’évolution myopique.

 

C – Principe de la défocalisation myopique en contrôle de la myopie

Pour contrôler la myopie, les solutions adaptées à défocalisation myopique permettent :

  • – En rétine centrale : de corriger la focalisation pour donner une vision nette au loin.

– En rétine périphérique : de réduire la défocalisation hypermétropique.
Les rayons convergent alors en avant de la rétine.

 

  1. 3. Myopie évolutive

C’est l’état réfractif de l’œil supérieur à -0,50δ chez l’enfant, avec une combinaison de facteurs de risque quantifiables (réfraction actuelle, âge, etc.) qui entrainent une probabilité suffisante d’évolution de myopie. La myopie évolutive est une combinaison entre une myopie réfractive et une myopie axile. Le but de la prise en charge de la myopie évolutive est d’essayer de freiner la progression de la myopie.

 

Il existe de nombreux facteurs qui peuvent accélérer l’évolution myopique : l’âge d’apparition de la myopie, l’historique familial, l’ethnicité, le temps passé à l’extérieur et le temps passé en vision de près.

 

A – Âge d’apparition de la myopie

Plus la myopie apparaît tôt, plus elle évoluera rapidement, et plus la valeur finale de la myopie sera importante.

D’après l’étude de Donavan et al. (2015a), la myopie semble apparaître de plus en plus tôt, elle apparait en moyenne entre 8 et 10 ans le plus souvent. Si l’enfant a moins de 8 ans et qu’il commence à être myope, c’est un facteur de risque élevé d’évolution myopique. Cette étude est corrélée par celle de Tricard et al. (2021).

 

B – Historique familial

Les études de Kurtz et al. (2007) et de Loh et al. (2015) permettent d’établir que la myopie d’un ou des deux parents augmente le facteur de risque myopique de l’enfant.

La génétique de la myopie, c’est au moins 20 paires de chromosomes concernées, et plus de 50 gènes impliqués. Ce patrimoine génétique a pour conséquence le remodelage scléral et l’allongement du globe oculaire.

 

C – Ethnicité

La prévalence de la myopie est proportionnellement plus importante dans la population asiatique que dans la population européenne.

L’étude de Donavan et al. (2012b) et celle d’Hyman et al. (2005) montre que la myopie chez les enfants d’ethnicité asiatique progresse plus rapidement que chez les enfants d’ethnicité non-asiatique.

 

D – Temps passé à l’extérieur

L’exposition à la lumière du jour à un Impact sur la freination de l’évolution myopique.

L’étude à Taiwan de Wu et al. (2013) sur 700 enfants montre qu’une augmentation du temps de récréation (+ 40 minutes/jour) entraine chez les myopes une diminution de la myopie de 30%.

Il est recommandé de passer au moins 2 heures par jour à l’extérieur. Peu d’études ont été réalisées entre la quantité d’évolution myopique et temps passé à l’extérieur.

 

E – Temps passé en vision de près :

Selon les recherches de Bao et al. (2015), les paramètres facteurs d’évolution myopique sont :

  • – Une distance de travail trop proche, inférieur à 25 cm
  • – Un temps passé en lecture maintenu trop important, supérieur à 45 minutes (sans pauses)
  • – Manque de luminosité lors des activités VP

 

F – Autres facteurs :

Il existe d’autres facteurs, qui jouent un rôle estimé comme étant moins important : déprivation visuelle, accommodation, lumière bleue et violette, myopie nocturne, alimentation, mois de naissance, niveau d’étude, anthropométrie, intelligence, sexe et réfraction périphérique.

 

G – Complications associées à la myopie évolutive.

En cas de myopie évolutive, les risques de développer une pathologie oculaire augmentent.

Holden et al. (2016) montrent qu’environ 1% de la population mondiale est atteint d’une pathologie liée à sa myopie et estiment une augmentation à 10% de cette population en 2050. L’allongement de la longueur de l’œil entraîne un risque significatif de complications pathologiques pour l’œil et la vision.

 

D’après World Health Organization (2015), les conséquences de la myopie sont =

 

La dégénérescence maculaire myopique : c’est la première complication pathologique de la myopie. Cela engendre des altérations au niveau de la rétine : rupture de la membrane de Bruch, néovascularisation choroïdienne (CNV = néovascularisation choroïdienne), atrophie rétinienne.

La déchirure et le décollement rétinien : Une élongation axiale provoque un affinement de l’épaisseur rétinienne ce qui engendre un risque de déchirure.

 

Les corps flottants.

– Le glaucome à angle ouvert : 10% des patients atteints de myopie forte développent un glaucome (contre 2% sans myopie forte).

– La cataracte : Elle est plus précoce en moyenne de 10 ans plus tôt chez le sujet myope.

 

Tableau 1. Complications liées à la quantité de myopie d’après Pauné (2018).

 

Quantité de myopie 

Cataracte

 

Glaucome

Déchirure rétinienneMaculopathie myopique
-1δ à -3δ2x4x3x2x
-3δ à -6δ3x4x9x10x
>-6,00δ5x14x22x41x

 

D’après Bullimore et al. (2019), plus la myopie augmente, plus le risque de maladies oculaires est élevé.

 

H – Tests différentiels à effectuer pour la mise en évidence de la myopie évolutive : il existe deux indicateurs à l’évolution de la myopie :

  • – La mesure de l’évolution de la réfraction VL qui doit être réalisée sous cycloplégie.
  • – La mesure de l’évolution de la longueur axiale de l’œil, effectuée grâce à un biomètre.

 

Pour contrôler l’évolution de la myopie, il faut mettre en place un traitement de freination ou de contrôle de la myopie, avec deux objectifs de corriger le défaut réfractif de la myopie et de freiner l’évolution de la myopie.

 

 

Tableau 2. Vitesses de progression du défaut réfractif en moyenne par an d’après l’étude de Mutti et al. (2007).

 

Vitesses de Progression
LenteMoins de -0,25δ/an
MoyenneEntre -0,25δ et -0,75δ/an
RapidePlus de -0,75δ/an

 

La comparaison des mesures obtenues aux valeurs de longueurs axiales précédentes permet d’évaluer l’évolution de la longueur axiale.

 

On peut ensuite comparer l’évolution moyenne chez cet enfant à la progression moyenne de la longueur axiale chez un enfant myope corrigé. Après 10 ans, la vitesse de progression axiale normale est de 0,1 mm/an. On parle d’évolution rapide quand elle est supérieure à cette valeur.

 

L’évolution de la longueur axiale du globe est le meilleur indicateur d’évolution myopique, en recherche, et aussi en clinique. Cette mesure est jusqu’à 10 fois plus pertinente et sensible pour détecter et suivre la progression myopique, par rapport à la réfraction. Maintenir la myopie en dessous de -3.00δ et la longueur axiale en dessous de 26 mm permettra de diminuer à long-terme le risque de déficience visuelle et de pathologie oculaire. Une myopie faible ne signifie pas forcément une longueur axiale normale ou faible.

 

D’après l’étude de Hou et al. (2018), la croissance de la longueur axiale est terminée autour de l’adolescence (vers l’âge de 16 ans). Elle est environ de 23 mm chez la fille et de 23,5 mm chez le garçon (emmétrope).

 

Chez le myope, la croissance de la longueur de l’œil commence à s’accélérer avant l’apparition de la myopie et continue ensuite.

 

Tableau 3. Évolutions de la longueur axiale chez les enfants selon Clergeau (2007b).

 

 Évolutions de la longueur axiale chez les enfants qui restent emmétropesEvolutions de la longueur axiale chez les enfants qui deviennent myopes
Avant 10 ans0,1 à 0,2 mm/an+/-0,30 mm/an
Après 10 ans< 0,1 mm/an+/-0,20 mm/an

 

 

Généralement, le fort myope présente une longueur axiale plus importante.

La règle théorique est qu’une évolution axiale de 1 mm engendre une myopisation de 2,60δ.

En réalité, selon plusieurs études, cette évolution axiale engendrerait :

 

  • – 1 mm = 2,40δ (étude Chamberlain et al. MiSight (2019))
  • – 1 mm = 1,63δ (étude Walline et al. BLINK (2020))

 

Matériel et méthode

Type d’étude 

La littérature scientifique existante en 2023, a permis une recherche bibliographique et documentaire pour ce travail. Des informations qualitatives ont été utilisées afin de démontrer les conséquences d’une évolution myopique sur les capacités visuelles de l’enfant. Cette étude permettra de voir les facteurs de risques, les complications potentielles et les méthodes de traitement à disposition en France en 2023.

 

Population source 

Cette étude concentre ses recherches sur une cible d’enfants myopes de moins de 16 ans.

 

 

Matériels et Stratégie de collecte des données 

Les documents utilisés sont issus de PubMed ou des fabricants directement concernés par le produit cité. La collecte des données et articles a été réalisée selon les directives du système PRISMA à l’aide de critères d’inclusion et d’exclusion.

 

Les recherches sur PubMed ont été faites par mots clés comme : myopie chez l’enfant, élongation axile, D.I.M.S myopia, aspherical lenslets, classifying myopia, myopia progression and axial elongation, myopic children, atropine.

 

Les articles sélectionnés pour cette étude sont tous publiés après 1996 et traitent tous des risques et conséquences de la myopisation de l’enfant, ainsi que des différents traitements proposés.

 

Le but est de montrer qu’une prise en charge spécifique et précoce est essentielle afin de préserver le développement oculaire et les capacités visuelles de l’enfant afin de ne pas l’exposer aux pathologies qui pourraient survenir en cas d’évolution forte.

 

Les résumés, conclusions des articles sont lus. Les articles gardés, assemblés seront analysés pour en tirer les informations intéressantes à l’étude. 48 articles sont inclus dans cette étude.

Les articles et documents en littérature française, anglaise ont été sélectionné avec utilisation de l’outil Google traduction.

 

Critère d’inclusion

Ce sont les articles et les documents qui apportent une information pertinente au sujet étudié et donc en rapport avec la myopie et l’enfant.

 

Critère d’exclusion

Ce sont les articles et les documents qui ne sont pas en rapport avec le sujet, et dont l’information n’est pas crédible. Ainsi que ceux qui traitent du myope adulte.

 

Figure 1. Outil Prisma Flow Diagram utilisé pour ce mémoire

Résultat

Il existe de nombreuses solutions de prise en charge de la myopie évolutive, en lunettes, en lentilles, chirurgicalement et avec collyres pour freiner l’évolution d’une myopie.

 

Tableau 4. Propositions de prise en charge de la myopie évolutive en 2023 d’après Brennan et al. (2021) et WSPOS (2023).

 

LunettesLentillesAutres
Technologie DIMSSouple à double focusAtropine à dosage 0,05%
Technologie HALTSouple à profondeur de focus étendueAtropine à dosage 0,025%
Defocus périphériqueSouple multifocale à VL centraleAtropine à dosage 0,01%
Double-foyersOrthokératologieConseils de prévention
Double-foyers périphériques Rééducation orthoptique
Verres progressifs Renforcement scléral

 

Les études utilisées, pour ces résultats, comparent deux mesures afin de juger l’efficacité d’une méthode de freination :

 

  • – Avec la valeur moyenne ∆ du ralentissement myopique par an, par rapport à un groupe contrôle qui ne portait pas de système à freination myopique
  • – Avec le pourcentage moyen % du ralentissement myopique par an, par rapport à un groupe contrôle qui ne portait pas de système à freination myopique

Pour évaluer l’évolution de la réfraction dans le temps, il est nécessaire de comparer la valeur trouvée lors de la mesure aux corrections précédentes. On peut alors évaluer, la vitesse de progression du défaut réfractif.