Modéliser le fonctionnement et la complexité du cerveau pour mieux l’étudier

17.08.2022
MODÉLISER LE FONCTIONNEMENT ET LA COMPLEXITÉ DU CERVEAU POUR MIEUX L’ÉTUDIER
source: https://institutducerveau-icm.org/fr/actualite/modeliser-fonctionnement-complexite-cerveau-mieux-letudier/

Credit : Institut du Cerveau/Thibault Rolland

Dans un récent article, publié dans Reviews of Modern Physics, Charley Presigny et Fabrizio de Vico Fallani (Inria) de l’équipe ARAMIS à l’Institut du Cerveau présentent un nouveau modèle mathématique pour décrypter l’organisation du cerveau et son fonctionnement dans le temps et l’espace.

 

LE CERVEAU, UN SYSTÈME COMPLEXE MULTI-ÉCHELLES

Le fonctionnement cérébral se développe simultanément sur des axes ou dimensions différents, à l’intérieur desquels existent plusieurs échelles. Dans l’axe temporel, le vieillissement se présente à l’échelle d’une vie, l’apprentissage à l’échelle des semaines ou mois, et le comportement à des échelles plus courtes de l’ordre de la milliseconde. L’axe spatial considère le cerveau soit dans son ensemble, soit par régions, voire par neurone. La troisième dimension est représentée par les interactions entre les neurones ou une région cérébrale, à l’échelle individuelle, de groupe ou de réseaux (topologie).

 

« Une des problématiques qui limite la compréhension du cerveau est sa complexité, notamment due à cette composition multi-échelle. Il est intéressant d’un point de vue théorique et appliqué de proposer de nouvelles approches mathématiques pour étudier et caractériser le fonctionnement du cerveau » explique Fabrizio De Vico Fallani, chercheur Inria à l’Institut du Cerveau.

 

MODÉLISER LA COMPLEXITÉ DES RÉSEAUX

Les interactions entre les différentes unités d’un système peuvent être de nature différente. Si nous prenons un exemple de la vie de tous les jours, comme les interactions sociales, cette diversité d’interactions est plutôt évidente. Deux personnes peuvent être en contact par différents moyens comme Facebook, les emails ou le téléphone, et leurs interactions peuvent suivre des dynamiques très variées. On peut échanger régulièrement avec quelqu’un sur Facebook ou Instagram et ne jamais lui avoir envoyer un mail. C’est de façon simplifiée le principe fondamental de la théorie des réseaux complexes multicouches, dont les chercheurs suggèrent aujourd’hui le potentiel pour la compréhension du cerveau humain.

 

« L’objectif est de prendre en compte toutes ces interactions dans un système interconnecté », précise Charley Presigny, doctorant INRIA à l’Institut du Cerveau et premier auteur de l’article, « Il est possible de représenter les différents axes du système sous forme de couches. Dans chacune d’elles existe un réseau dont les interactions et les nœuds varient. A cela, il faut ajouter les échanges entre les différentes couches qui accroissent la complexité au système. »

 

RELIER STRUCTURE ET FONCTION DU CERVEAU

Une problématique clé en neuroscience est de comprendre comment l’organisation structurale et l’organisation fonctionnelle du cerveau sont reliées entre elles, et comment de ces associations naissent des capacités cérébrales complexes comme la perception, l’attention ou la cognition. Dans ce cadre, l’approche des réseaux multicouches représente un modèle intéressant pour améliorer notre compréhension du lien entre anatomie et fonction cérébrale.

 

L’IRM de diffusion permet de reconstruire les structures des réseaux de connectivité, tandis que l’IRM fonctionnelle fournit des informations sur l’activité cérébrale. Les résultats obtenus par plusieurs études révèlent de nouveaux motifs de connectivité entre la structure et l’activité cérébrale. Ainsi, lorsque deux régions sont anatomiquement connectées à une région commune, la probabilité qu’elles puissent communiquer entre elles au niveau fonctionnel augmente.

 

« Ce type de modélisation est une manière d’intégrer de façon mathématique les données anatomiques et fonctionnelles et de fournir une information impossible à obtenir en analysant les couches séparément » détaille Fabrizio De Vico Fallani,

 

APPRENTISSAGE, LES NEURONES ONT BESOIN D’ÉNERGIE

Afin de modéliser un mécanisme clé qu’est l’apprentissage, d’autres chercheurs ont développé un modèle réseau multicouche.

  • La première contenait des réseaux dynamiques de neurones – représentant la plasticité cérébrale, c’est-à-dire la capacité de notre cerveau à remodeler ses connexions en fonction de nos expériences et nos apprentissages.
  • La seconde était constituée de réseaux de cellules gliales, dont un des rôles est de fournir des ressources énergétiques aux neurones.
  • La troisième représentait la connectivité entre les deux premières couches, qui représentait le transfert d’énergie des cellules gliales vers les neurones. Les résultats obtenus à partir de ce modèle ont montré que la régulation des apports énergétiques par les cellules gliales permet de changer la dynamique des neurones, en période d’apprentissage.

 

LE DÉFI : MODÉLISER LA COMPLEXITÉ DU CERVEAU

La théorie des réseaux complexes multicouches représente une piste prometteuse pour décrypter l’organisation et la multiplicité des interactions à différentes échelles dans le cerveau.  Il ouvre en particulier de nouvelles perspectives pour mieux comprendre et identifier les dysfonctionnements et modifications topologiques au cours des pathologies cérébrales.

 

Source

Charley Presigny and Fabrizio De Vico Fallani.  Multiscale modeling of brain network organization

Rev. Mod. Phys. 94, 031002 – Published 2 August 2022

https://doi.org/10.1103/RevModPhys.94.031002