Perte de mémoire spatiale chez les personnes âgées : Et si l’atteinte ne concernait qu’une partie du champ visuel ?
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Des chercheurs de l’Institut de la Vision ont récemment réalisé une étude visant à mieux comprendre les mécanismes de la perte de mémoire spatiale chez les personnes âgées. Leurs résultats, publiés dans Nature Communications Psychology, ont révélé que la capacité de mémorisation des objets est influencée par leur position dans le champ visuel, avec des déficits significatifs observés dans le champ visuel supérieur chez les individus âgés.
La mémoire spatiale est essentielle pour maintenir la qualité de vie des personnes âgées, car elle leur permet d’interagir efficacement avec leur environnement. Les tâches quotidiennes telles que retrouver l’emplacement des clés, choisir le bon produit dans un magasin ou s’orienter en se basant sur des repères visuels sont autant de situations qui sollicitent notre mémoire des objets et de leur position dans l’espace. Par conséquent, une altération de cette mémoire spatiale liée au vieillissement peut avoir des répercussions négatives sur le comportement des individus.
Jusqu’à présent, la perte de mémoire liée à l’âge a surtout était attribuée à des déficits dits « de haut niveau tels que des difficultés à associer un objet à son contexte ou à prioriser certaines informations dans des environnements complexes. Cependant, de récents travaux de recherche ont mis en évidence le rôle du vieillissement des systèmes sensoriels, en particulier la vision, dans la manière dont les objets sont perçus et encodés. Ainsi, les changements liés à l’âge dans le traitement des propriétés visuelles telles que la couleur, la texture, la taille et la position pourraient jouer un rôle déterminant dans les capacités de mémorisation des objets.
L’équipe de chercheurs de l’Institut de la Vision a entrepris d’explorer l’hypothèse selon laquelle la position des objets dans le champ visuel pourrait être une propriété essentielle des capacités de mémoire spatiale chez les personnes âgées. Pour cela, ils ont mené une expérience impliquant un échantillon de 25 jeunes adultes et 20 personnes âgées.
Participant assis devant l’écran d’un ordinateur sur lequel sont projetés, un à un, des objets dans son champ visuel supérieur ou inférieur (ici, une carafe est présentée dans le champ visuel inférieur) © Marion Durteste – Institut de la Vision
Les participants ont été installés devant un écran d’ordinateur, avec leur tête maintenue par une mentonnière, et équipés d’un oculomètre permettant d’enregistrer les mouvements de leurs yeux. Au cours de l’expérience, des objets ont été présentés un par un dans le champ visuel supérieur ou inférieur des participants, pendant qu’ils fixaient une croix située au centre de l’écran. Par la suite, une nouvelle série d’objets, comprenant certains objets précédemment montrés et d’autres nouveaux, leur a été présentée au centre de l’écran. Les participants ont été testés sur leur capacité à reconnaître les objets eux-mêmes et à se souvenir de leur position par rapport à la croix.
Les résultats de l’étude ont révélé que les personnes âgées présentaient d’importants déficits en mémoire spatiale lorsque les objets étaient présentés dans le champ visuel supérieur. En revanche, leurs capacités de mémorisation étaient préservées lorsque les objets étaient présentés dans le champ visuel inférieur. Cette découverte inédite démontre que la position des informations visuelles dans l’espace a un impact significatif sur les capacités de mémorisation au cours du vieillissement.
Ces résultats confirment l’importance du système visuel dans les changements cognitifs liés à l’âge et ouvrent la voie à une réflexion approfondie sur l’adaptation des espaces urbains aux besoins des personnes âgées afin de favoriser leur autonomie.
Publication : Durteste, M., Van Poucke, L., Combariza, S. et al. The vertical position of visual information conditions spatial memory performance in healthy aging. Commun Psychol 1, 2 (2023). https://doi.org/10.1038/s44271-023-00002-3